La bêtise insiste toujours, on s’en
apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard
étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils
étaient humanistes: ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la
mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais
rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en
mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes, en premier
lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient
pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et
ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les
fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils
préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé
à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions? Ils se
croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des
fléaux. (A. Camus, La peste)
Stultitia perpetuo tenaciter adhaeret, quod quidem animadvertissemus si homo in se perpetuo non cogitaverit. Quod ad rem
attinet, municipes nostri eodem modo ac omnes gentes mentem in se tenebant,
videlicet humanistae erant, nam non esse flagella credebant. Flagellum non est secundum
hominis mensuram, hinc flagellum non verum esse dicunt, etiam sicut nequam
somnium praeteriturum. At id non semper praeteriit ac, de nequam somno in
nequam somnum sunt homines qui praetereunt –et humanistae in primis quia
cautionem non habuere. Municipes nostri non magis noxii erant quam ceteri, nam
obliviscebantur verecundiam –ne quid plus– et omnia sibi licere putabant, qua
fiducia eis videbantur flagella non fieri posse. Negotia eorum prorsus agebant,
itinera paranda adhibebant et diverse opinabantur. Quomodo secum de pestilentia
excogitavissent, quae res futuras attollit necnon itinera et disputationes?
Credebant se liberos homines esse et nemo nunquam liber erit dum flagitia
supererunt. (A. Camus, Pestilentia)
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